CIV/ »Manipulation de magistrats par de sinistres individus »: Sansan Kambilé met le pied dans le plat et menace

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Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Sansan Kambilé, a donné la direction pour l’année 2025, aux différentes entités que regorge son ministère. Ce, à la Réunion solennelle de Rentrée judiciaire du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, tenue à l’Institut national de formation judiciaire (Infj), le jeudi 23 janvier 2025. En présence de toutes les grandes composantes dudit ministère de Côte d’Ivoire, il a fait le tour d’importantes questions d’actualité comme la présidentielle d’octobre 2025, la corruption dans le milieu judiciaire, les grèves etc. Intégralité du discours !

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Mesdames, Messieurs, chers collaborateurs, merci pour votre disponibilité qui nous permet de nous retrouver ce jour au sein de l’Institut national de formation judiciaire à la faveur de la présente réunion de rentrée judiciaire.

En ce début d’année, je tiens à vous adresser mes vœux de sincère santé, de réussite et de prospérité. Je forme le vœu que cette année soit marquée par des avancées significatives et une mobilisation renouvelée de tous pour une justice plus accessible et équitable.

Vous me permettez, en cet instant, d’avoir une pensée émue pour les acteurs de la justice qui nous ont quittés au cours de l’année écroulée. Leur engagement au service de notre système judiciaire restera gravé dans nos mémoires. Nous leur rendons hommage et exprimons notre soutien à leurs familles et à leurs proches.

Par ailleurs, je tiens à saluer la direction de l’Institut national de formation judiciaire pour son rôle déterminant dans la formation d’une nouvelle génération d’agents publics. Vos efforts constants pour garantir une formation de qualité contribuent directement au rayonnement et à la performance de notre justice. Enfin, j’adresse mes chaleureuses félicitations aux onze élèves récompensés aujourd’hui et qui sont des exemples d’excellence et de dévouement.

Votre réussite incarne l’avenir prometteur de notre système judiciaire et pénitentiaire. Mesdames et messieurs, chers collaborateurs, la modernisation de notre système judiciaire passe inévitablement par l’adoption de technologies numériques. Nous devons réduire les lourdeurs administratives, optimiser les délais de traitement des dossiers, renforcer la sécurité des actes de justice et garantir la plus grande transparence dans nos procédures pour plus d’efficacité du service public de la justice.

A cet effet, le ministère de la Justice a enclenché un vaste projet de transformation digitale qui se matérialisera par le lancement prochain de projets de sécurisation et de digitalisation des actes de justice ainsi que du système intégré de gestion des procédures judiciaires. Les phases pilotes de ces projets commenceront pour la délivrance du certificat de nationalité dans les juridictions de Yopougon, de Dabou. Quant au projet du système intégré de gestion des procédures judiciaires, il débutera dans les juridictions de Yopougon, de Dabou, de Saint-Pédro et de Bingerville. Le déploiement se fera ensuite dans les tribunaux d’Abobo, d’Abidjan-Plateau, de Grand-Bassam puis dans l’ensemble des juridictions du territoire national. Aussi, je vous invite à vous approprier pleinement ces outils de digitalisation qui seront progressivement déployés. La formation continue sera renforcée pour vous accompagner dans cette transition, mais il est impératif que chacun adopte une posture proactive pour maîtriser ces nouveaux outils qui sont au service de notre mission commune.

Mesdames et Messieurs, chers collaborateurs,

L’année 2025 sera marquée par l’élection présidentielle. Aussi, est-il essentiel de rappeler que l’impartialité de la justice constitue l’un des fondements de notre État de droit. La crédibilité de nos institutions repose sur notre capacité collective à maintenir une distance équitable vis-à-vis des enjeux politiques tout en assurant une application rigoureuse et équitable des lois.

Les magistrats et tous les acteurs judiciaires doivent veiller à ce que leurs décisions, leurs actions et même leurs paroles soient en pointe d’une neutralité irréprochable. Toute perception de partialité, qu’elle soit réelle ou supposée, pourrait éroder la confiance des citoyens dans le système judiciaire et, par conséquent, dans le processus démocratique lui-même. Nous avons la responsabilité de garantir que la justice reste un arbitre impartial, protecteur des droits et des libertés de chaque citoyen.

Cette impartialité n’est pas seulement une obligation légale, mais un devoir moral envers notre Nation et ses institutions. Nous devons également, lorsque les circonstances l’exigent, rendre compte aux populations. A cet égard, je voudrais vous exhorter, Mesdames et Messieurs les procureurs de la République, à davantage communiquer, notamment sur les procédures qui le requièrent, afin de ne pas laisser prospérer les rumeurs et autres fausses informations ayant pour objet de jeter le discrédit sur la justice et ses acteurs.

Mesdames, Messieurs, chers collaborateurs,

Est-il besoin de souligner que notre système judiciaire repose sur des principes fondamentaux parmi lesquels figurent la loyauté et la réserve. Ces valeurs ne sont pas négociables. Je rappelle par conséquent à chacun que les doléances et les autres besoins doivent être traités dans le respect de ces principes.

Il est déplacé et contraire à notre éthique professionnelle de solliciter l’appui d’acteurs extérieurs à la justice pour résoudre des problèmes d’ordre interne. Je vous exhorte à faire preuve de retenue et à privilégier le dialogue avec vos supérieurs hiérarchiques. Permettez-moi également de relever qu’une justice performante repose aussi sur des acteurs en bonne santé mentale et physique.

L’assurance maladie Temis, spécialement conçue pour les magistrats, ainsi que d’autres dispositifs prévus pour les différents corps du secteur judiciaire, sont des outils essentiels. Cependant, l’adhésion reste faible, ce qui constitue un frein à la pleine efficacité de ces dispositifs. Je vous invite donc, chers magistrats et membres des autres corps judiciaires, à faire le choix de la prévoyance et à adhérer massivement aux assurances maladie qui vous sont destinées.

Il s’agit non seulement d’un acte de responsabilité individuelle, mais aussi d’une contribution à la solidarité collective. Il est primordial que les supérieurs hiérarchiques jouent un rôle actif dans la promotion de ces dispositifs de prévoyance. Vous êtes le premier relais pour sensibiliser vos équipes sur l’importance de l’adhésion aux assurances maladie.

Votre engagement et l’exemplarité que vous donnerez peuvent faire la différence dans l’adoption de ces initiatives. Il vous incombe également de veiller à créer un climat de travail propice à la performance et au bien-être. Un environnement de travail motivant, équitable et respectueux des droits de chacun contribue directement à renforcer l’efficacité et la cohésion au sein de notre système judiciaire. Ensemble, nous devons construire une justice où chaque acteur se sent soutenu et valorisé dans ses efforts.

Mesdames, Messieurs et chers collaborateurs,

Au début de l’année judiciaire, j’ai pris une circulaire dans laquelle je vous ai invité à adopter une conduite exemplaire au cours de cette année judiciaire qui a la particularité, comme je l’ai indiqué, de s’étaler en partie sur une année électorale. Malgré la large diffusion de cette circulaire, je constate avec peine que mon appel n’a pas été entendu, du moins par certains magistrats.

Au début du mois de décembre 2024, il m’a été donné de constater sur un réseau social la publication d’un journaliste bien connu de la place mettant en cause des magistrats dans une affaire qu’il qualifie d’escroquerie. Comme à mon habitude, j’ai aussitôt instruit l’inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires à me procéder à une enquête afin de me permettre de savoir davantage sur cette affaire, tout en espérant que la dénonciation se révèle fausse. L’enquête n’est pas achevée, mais les comptes rendus qui me sont régulièrement faits sur l’évolution de ce dossier m’attristent.

Il me semble que des magistrats se sont laissés manipuler par de sinistres individus dans des conditions qui ternissent l’image de la justice. J’attends avec impatience le rapport d’enquête dont je ne m’en voudrais pas de tirer toutes les conséquences. Et je traiterai avec la même rigueur tous les acteurs de la justice qui fouleront au pied de la circulaire de rentrée, en particulier ceux d’entre eux qui pactiseront avec les démarcheurs dans le traitement des affaires dont ils ont la charge.

Mesdames, Messieurs, chers collaborateurs, Avant de clore mon propos, il me paraît essentiel d’évoquer une question de la plus grande importance à mes yeux. Depuis ma prise de fonction en qualité de garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, j’ai fait de la convivialité entre les membres de la famille judiciaire un principe sacro-saint dans la conduite de ma mission. C’est pourquoi je suis toujours resté ouvert aux discussions et attentif aux préoccupations légitimes des uns et des autres, en cherchant à y trouver des réponses pour les réformes institutionnelles appropriées ou dans le cadre du dialogue continue qui a toujours prévalue depuis que je suis à cette fonction.

Il est légitime que des syndicats aient des revendications tendant à obtenir de meilleures conditions de vie et de travail. Cependant, l’activité syndicale n’autorise pas tout. En effet, elle ne saurait autoriser des responsables, membres de syndicats, à dépasser certaines limites en faisant, par exemple, passer leur ministre qui bafoue les libertés syndicales, le droit des grèves, ou pire, qui souhaite le remplacement d’un corps tel que celui des greffiers par d’autres acteurs judiciaires.

L’illustration la plus palpable et la plus récente est le lobbying opéré par les syndicats de greffiers auprès des députés lors de la récente présentation du projet de loi relatif à l’Organisation des juridictions devant l’Assemblée nationale. Aussi loin que remontent mes souvenirs, jamais pareil outrage qui méprenait les efforts entrepris n’a été vécu par un Garde des sceaux. D’ailleurs, à la faveur de l’examen de ce projet de loi, des interprétations les plus incroyables ont été entendues dans l’objectif manifeste de remettre en cause l’organisation judiciaire telle qu’elle existe depuis toujours.

C’est de lui faire observer que l’organisation judiciaire en Côte d’Ivoire ou ailleurs s’appuie sur les règles et les hiérarchies des acteurs, chacun jouant son rôle, le rôle qui lui a été voulu. En tout état de cause, je voudrais insister sur ce que les solutions à nos préoccupations sont à trouver au sein de la famille judiciaire et non ailleurs.

Le gouvernement demeure attentif aux préoccupations et ouvert au dialogue. Cependant, il ne saurait céder au dictat de quelque corporation que ce soit. Je voudrais refermer ce chapitre en rappelant que le droit de grève n’est pas incompatible avec la nécessaire continuité du service public. Et que mon rôle en tant que responsable du service public de la justice est de prendre ou de proposer toutes les mesures appropriées pour que le service public de la justice fonctionne en toutes circonstances.

Mesdames, Messieurs, au moment de conclure, je réaffirme l’engagement de mon département ministériel à créer les conditions de travail propices à l’épanouissement professionnel des acteurs judiciaires en favorisant l’efficacité et l’éthique. Toutefois, cet engagement ne pourra porter ses fruits que si chacun d’entre nous joue pleinement son rôle. Que cette année soit celle du travail bien fait et du respect de nos valeurs.

Je vous remercie pour votre aimable attention.

Propos retranscrit par AN LYRANE


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